Depuis le temps que nous suivons Elsa Marpeau, nous n’avions encore jamais fait d’article sur son œuvre. Rattrapons-nous en 2022 avec un « 5 raisons de » où l’auteure revient sur ses derniers romans.

Elsa Marpeau est une auteure rare, mais régulière, un livre tous les deux ans à la Série Noire. Le déclic pour nous fut L’Expatriée (Gallimard, 2013), un roman dérangeant dont nous ne savions pas où s’arrêtait le réel et où commençait la fiction. Un livre énigmatique, où l’auteure ne s’arrogeait pas le beau rôle. Nous avions eu l’occasion d’en parler, au festival Lire en Poche, une belle rencontre qui avait renforcé notre admiration.
« Ce roman raconte l’histoire d’une expatriation – or, cet arrachement au pays natal va de pair chez l’héroïne avec une étrangeté accrue à soi-même. À l’autre bout du monde, elle ne se retrouve pas, elle se perd. Le livre raconte à quel point. »

Les romans d’Elsa Marpeau vus par l’auteure

C’était à l’occasion de la sortie de Et ils oublieront la colère (2015), roman particulièrement noir, où Elsa Marpeau nous avait parlé des recherches qu’elle avait effectuées. Il y avait en particulier un documentaire, disponible sur les archives de l’INA, sur les femmes tondues à la libération dont nous avouons, suite à sa description, ne pas avoir osé le regarder.
Pour l’auteure, « le livre parle de la façon qu’ont les humains de s’approprier le corps des faibles pour marquer leur territoire. C’est la leçon des femmes tondues, des héros de guerre, des résistants d’un jour – mais parfois de bien plus – se sont vengés de leurs humiliations sur les cheveux des femmes. »

En 2017, sort Les Corps brisés, qui s’ouvre sur Crash, le premier chapitre, qui nous laisse pantois. La vitesse, le rallye, le rapport entre la pilote et la carrosserie, un morceau d’anthologie, qui est suivi d’un huis clos étouffant.
« Ce roman est inspiré d’une histoire vraie, les torturées d’Appoigny. Des femmes vendues à des hommes qui les torturaient. On a retrouvé le tableau qui indiquait notamment : « brûlure de cigarette : 20 francs ». »

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Chez Elsa Marpeau, rien n’est innocent, les protagonistes principaux n’attirent pas forcément la sympathie et l’auteure heurte le lecteur, l’interroge et travaille sur ses retranchements. À chaque fois, c’est un changement radical de lieux, d’histoire, mais, en fil rouge, lancinant, il y a la question « Que ferions-nous ?» qui se pose. Cela se retrouve aussi dans Son autre mort (2019) qui explore le monde littéraire.
« C’est une enquête perverse, car à rebours. Une criminelle cherche dans la vie de l’homme qu’elle a tué les proches qui feraient des suspects crédibles. Elle essaie de lui inventer une autre mort que la sienne, celle qu’elle-même lui a donnée, et ce faisant, elle lui invente une autre vie. »

Et récemment dans L’Âme du fusil (2021), la campagne, la chasse, bien loin de tout manichéisme.
« C’est mon premier et, à ce jour, dernier livre – je l’ai commencé à 25 ans pour l’achever à 45 ans. Il est à la fois loin et proche. Il raconte le parcours de Philippe, Rmiste et chasseur – un parcours qui devrait m’être étranger et qui étrangement répond à une nécessité intime. Ce personnage me touche, il me touche dans sa solitude. Le monde ne le comprend pas et il ne comprend pas le monde. Cette radicalité et ce sentiment d’étrangeté définissent Philippe, mon semblable. »

Pour aller plus loin

Les romans d’Elsa Marpeau sont tous publiés à la Série Noire.