En attendant la sortie de Une Femme de rêve chez Viviane Hamy, Dominique Sylvain revient sur la longue histoire qui la lie à son éditrice.
Pour les 25 ans de la collection Chemins Nocturnes, nous avions contacté Dominique Sylvain en lui demandant de nous parler de son éditrice, Viviane Hamy. Avant la parution le 16 janvier 2020 de son prochain roman, le dix-huitième dans cette collection, l’auteure Dominique Sylvain raconte son chemin avec les éditions Viviane Hamy, qui en 2020 fêtent leurs 30 ans d’édition.
Une longue histoire
« Entre Viviane et moi, c’est une longue histoire car je l’ai rencontrée en 1994. J’habitais au Japon à cette époque-là et j’étais de passage en France pour les vacances d’été. Viviane avait reçu le manuscrit de mon premier roman, Baka !, que je lui avais envoyé tout simplement par la Poste. Elle m’avait contactée très vite pour que je passe la voir et que nous parlions de ce texte.
Viviane m’a étonnée dès ce premier contact en me disant d’emblée qu’elle ne considérait pas les auteurs de polar comme des romanciers de seconde zone. Elle a précisé que seul comptait pour elle la qualité du texte, et que ça n’avait rien avoir avec le genre littéraire. J’ai aimé tout de suite son approche, son ouverture d’esprit et sa détermination pour se battre pour une littérature de qualité. En fait, elle était le premier éditeur que je rencontrais de ma vie. »
Aucun laisser-aller
« Par la suite, j’ai découvert son intransigeance. J’ai eu beaucoup plus de mal avec mon second roman qu’avec le premier, et Viviane n’a accepté aucun laisser-aller. Par la suite, elle m’a refusé deux manuscrits. Je me souviens encore d’une longue discussion que nous avons eue au sujet de Strad. Viviane trouvait que l’héroïne était désincarnée, et par là-même, tout le roman. Elle avait le sentiment que j’étais au pied d’un mur et que j’étais bloquée. Que je ne voulais pas sauter l’obstacle. En fait, je n’ai jamais eu peur des obstacles de ce genre. Simplement, je ne le voyais pas encore, ce mur. Par la suite, je l’ai escaladé. »
Viviane Hamy souhaite que nous creusions, que nous allions plus loin. Que nous écrivions ce que nous portons en nous très profondément. Évidemment, ça ne passe pas par la facilité.
« En y repensant, je me dis que Viviane pressent les choses. Parce qu’elle a une vision à la fois détaillée et complète de l’œuvre des auteurs qu’elle publie. Elle a une mémoire étonnante, et fonctionne beaucoup en analysant les événements passés. Ça lui permet le moment venu de mettre un roman en perspective dans un contexte, un historique et d’ouvrir des possibilités.
Elle n’exige jamais que nous lui rendions un roman à une date donnée ou que nous fournissions aux lecteurs ce qu’ils croient attendre. Elle souhaite que nous creusions, que nous allions plus loin. Que nous écrivions ce que nous portons en nous très profondément. Évidemment, ça ne passe pas par la facilité. Et c’est sans doute la raison pour laquelle, fondamentalement, nous nous entendons bien. On a un petit côté guerrier, toutes les deux. Elle a fait de l’escrime et moi du karaté. Elle se bagarre dans son métier. Et franchement, j’aime ça. Surtout quand elle se redresse après les épreuves. »
Un côté éruptif
« Évidemment, le revers de la médaille, c’est qu’elle n’est pas de tout repos. On peut tout lui dire, mais pas n’importe quand et pas n’importe comment. Elle a un côté éruptif. Moi, je n’ai pas trop peur des coulées de lave, mais je sais que tout le monde ne le vit pas aussi aisément. En gros, Viviane n’hésite jamais à brûler des pans entiers de sa vie quand elle juge que c’est le seul moyen pour elle de continuer à faire ce qu’elle doit. Je n’ai pas compris tous ces choix. Mais tout comprendre n’est pas essentiel. »
La littérature comme passion
« Et ce que j’aime aussi chez elle, c’est, d’année en année, sa passion inchangée pour la littérature. Par goût personnel, j’ai cru comprendre qu’elle aimait les textes dingues, foutraques, illuminés, intenses. Comme Les Bébés de la consigne automatique de Ryû Murakami ou La Conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole. C’est encourageant. Et je devine que c’est parce qu’elle sait qu’ils contiennent la liberté farouche dont nous avons tous besoin.
Autre chose, Viviane est très cérébrale comme on l’attend de quelqu’un dans son domaine d’activité, mais elle est également terrienne. Elle aime faire des confitures, cuisiner, regarder vivre les animaux… Ce qui fait qu’on peut s’amuser du quotidien et se payer des fous rires assez sportifs. La dernière fois, nous avons rigolé comme des perdues quand je lui ai raconté comment la jeune chienne husky de mon fils avait dévoré trois fois de suite les chaussons que mon mari s’obstinait à racheter (parce qu’elle les avait confondus avec des moutons). »
Chemins nocturnes
« Viviane a créé la collection Chemins nocturnes il y a 25 ans non pas parce qu’elle se disait que le polar avait de l’avenir et qu’il y avait une aubaine à ne pas rater, mais parce que trois textes s’étaient imposés à elle à peu près au même moment, ceux de Fred Vargas, Estelle Monbrun et Maud Tabachnik. Ça lui a donné l’idée de créer une collection dédiée aux auteurs français. Et elle est restée fidèle à cette idée. »
« À l’époque, en découvrant ces livres en librairie, j’avais apprécié le côté épuré de la maquette et la singularité des textes. Par la suite, toutes les maisons d’édition ont créé leur collection polar, mais je me dis que Viviane a été précurseur dans ce domaine. Elle sent les tendances. Mais pour se lancer, il faut qu’elle en ait vraiment envie et qu’elle y croie. Ce n’est jamais une histoire de marketing en ce qui la concerne. »
Merci à Dominique Sylvain.
Pour aller plus loin
Le site des éditions Viviane Hamy
Dominique Sylvain chez Viviane Hamy