Novembre 2019 voit Le Canard siffleur mexicain de l’immense James Crumley ressortir chez Gallmeister dans une nouvelle traduction de Jacques Mailhos. L’occasion d’un petit florilège pour nous.
James Crumley retrouvé et retraduit
On ne dira jamais assez tout le bien que l’on pense de James Crumley. Publié à droite et à gauche avant que Patrick Raynal ne s’occupe sérieusement de ses traductions et parutions à la Série Noire (seul son recueil de nouvelles Putes est resté chez Rivages), l’homme, mort en 2008, était bien injustement, « passé de mode ». Il faudra attendre 2016 pour qu’Oliver Gallmeister sorte le grand jeu. Le projet de réédition de l’intégrale, dans l’ordre de parution original, en grand format, avec illustrations et, surtout, la retraduction intégrale par Jacques Mailhos pour redonner une unité à cette œuvre phénoménale.
Nous pourrions parler sans compter de Crumley, de ses deux personnages phares que sont Milo Milodragovitch ou C.W. Sughrue, mais cela a déjà été fait. Alors, si nous devions encore convaincre qu’il faut absolument tout lire, et dans l’ordre, voici quelques extraits du Canard siffleur mexicain. Appréciez ce style hors-normes, unique et précipitez-vous chez votre libraire pour passer l’hiver au chaud avec James Crumley.
Le Canard siffleur mexicain en un florilège de citations
La vie d’un détective privé
« Certains clients croient que les détectives privés ont un code de conduite, un truc du genre n’abandonne jamais, ou recherche la justice qui qu’il doive t’en coûter, ou punis les coupables quels qu’ils soient, mais s’il y a un code, il dit plutôt, ne rends jamais l’argent. »
« Ah, bon sang, ce truc de détective privé, ce n’est pas toujours que du sexe et de la gloire. Parfois, c’est juste des intuitions foireuses et de la paperasserie merdique. »
De la bonne utilisation des drogues
« De retour au camping, comme toujours après un coup de stress, je passai directement en surchauffe cérébrale, et tentai de rétablir une forme d’équilibre chimique dans le noir et uniquement avec les drogues que j’avais sous la main. Il me fallut deux longues taffes du pétard de jamaïcaine pour respirer sans hyper-ventiler. Puis le speed me calma comme un enfant hyperactif. Une ligne de cocaïne me permit d’y voir clair. Trois bières brûlèrent un peu de mon adrénaline. Et la demi-douzaine de cigarettes du paquet que j’avais acheté sur le chemin du retour comblèrent ma pulsion de mort. »
« Comme c’était moi qui insufflais l’inspiration morale, j’étais le responsable des drogues et je devais m’efforcer de trouver le mélange parfait de speed de biker brut et de blanche péruvienne pour nous tenir éveillés mais pas complètement fous. Ce n’était pas une tâche facile pour des clients comme nous, vous pouvez me croire. »
Miscellanées
« Il acquiesça d’un air pénétré et dit :
– Vous vivez constamment comme ça ?
– Chaque fois que j’en ai l’occasion, reconnu-je. »
« Ma mère n’était pas très finaude. Je n’aime pas dire du mal de ma mère, mais la vérité, c’est qu’il lui manquait bien deux ou trois canettes pour faire un pack de six. »
« Je crois que c’est Francis Bacon qui a dit que la vengeance pourrait être vue comme une forme de justice sauvage. Je n’en suis pas sûr. À vrai dire, je n’y pense pas beaucoup. »
« Puis elle regarda chacun des hommes présents autour de la table comme si toute cette souffrance était notre faute. Et nous, les cinq que nous étions, fixâmes le sol comme si nous en convenions. »
Le Canard siffleur mexicain, James Crumley, traduction de Jacques Mailhos, illustrations de Pascal Rabaté, paru chez Gallmeister.
Pour aller plus loin
James Crumley chez Gallmeister et son recueil Putes chez Rivages