La collection « Terres d’Amérique »

Terres d'Amérique, Francis Geffard ©Ansel Adams, Grand Teton and Snake River, Wyoming, 1942.

Cela fait déjà vingt ans que Francis Geffard nous fait partager la richesse de la littérature nord-américaine, au sein de la collection Terres d’Amérique chez Albin Michel. Au fil des publications, c’est un véritable panorama qui s’est tissé, d’une littérature toujours plus diverse et captivante. Voici cinq bonnes raisons de se plonger dans la lecture de la collection, et ce, commentées par son éditeur.

20 ans de passion

Quand j’ai écrit la collection “Terres d’Amérique” chez Albin Michel, je n’imaginais pas du tout que j’en serai là aujourd’hui. J’ai eu la chance de pouvoir réunir dans cet espace éditorial des écrivains et des textes sur le seul critère du goût et de l’instinct, de la même façon que l’on choisit ses amis ou sa famille de coeur. La chance aussi de pouvoir dessiner un paysage littéraire nord-américain riche d’une diversité de styles et d’univers singuliers. Terres d'Amérique - Francis GeffardUn peu comme un puzzle géant dont on ne connaîtra pas le modèle et donc chaque pièce est toujours une formidable découverte. On se dit que vingt ans c’est long mais c’est oublier combien le temps de la littérature et celui des livres est un temps lent…

L’oeuvre d’un auteur s’élabore sur toute une vie, et c’est une chance finalement que de partager ce compagnonnage au long cours avec des écrivains. Certains s’épanouissent,  d’autres connaissent des moments de panne. C’est fragile et complexe, la création, et dans un monde où tout s’accélère et où le succès s’impose à tout prix, il n’est pas toujours évident de se frayer un chemin pour un écrivain, et encore moins de pouvoir vivre de sa plume. Alors, je n’ai pas le regard tourné en arrière, mais au contraire face à l’horizon, car la littérature est pour moi à l’image de la vie.

Des nouvelles

Terres d'Amérique - Francis GeffardJ’ai une prédilection pour le format court et la nouvelle aura de tout temps été pour moi une source de plaisir de lecture et de découvertes. J’ai adoré celles de Fitzgerald, d’Hemingway, de Flannery O’Connor, Dorothy Parker, Salinger ou Carver, pour n’en citer que quelques-uns. Quand un auteur possède du talent, de la singularité, cela saute aux yeux dans un recueil et laisse entrevoir l’éventail des possibilités d’une oeuvre à venir. En vingt ans, j’ai déjà publié une cinquantaine de recueils de nouvelles, un genre réputé difficile et invendable, peu prisé des lecteurs français. Et si d’aventure, il y a des combats littéraires à mener, je suis prêt pour celui-là.
Les nouvelles sont à la littérature ce que la dégustation est à la gastronomie. Et bon nombre des auteurs que j’ai eu la chance de publier aujourd’hui sont des écrivains que j’ai rencontrés sur ce terrain-là, celui de l’art pour l’art. Je citerais pêle-mêle Charles D’Ambrosio, Terres d'Amérique - Francis GeffardThom Jones, Sherman Alexie, Dan Chaon, Anthony Doerr, Karen Russell, Brady Udall, Elwood Reid, Holly Goddard Jones, Tom Bissell, Ben Fountain, David James Poissant, Joseph Boyden, Chris Adrian, Craig Davidson, Kevin Canty, Eric Puchner, Sana Krasikov, Wells Tower, Stuart Nadler… On retrouve bon nombre de ces écrivains dans l’anthologie 20+1 nouvelles américaines, plus de 500 pages, 21 nouvelles, 14 Euros. Un formidable panorama de la littérature américaine contemporaine, de sa richesse comme de sa diversité.

 

Des auteurs connus.. ou pas

L’alchimie est toujours la même dans une collection, des auteurs montent en puissance tandis que d’autres démarrent leur carrière. Il est essentiel pour moi d’irriguer en permanence avec de nouvelles voix, de jeunes auteurs. Cela permet de prendre de nouvelles directions, d’explorer de nouveaux univers, de s’ouvrir à de nouvelles visions. C’est cette alliance d’auteurs confirmés et de talents à découvrir qui donne à tout projet éditorial sens et vigueur.

Terres d'Amérique - Francis Geffard

Une littérature du monde

La littérature nord-américaine est par définition une littérature-monde et une littérature du monde. Les Indiens et les Inuits mis à part, tous les autres viennent d’ailleurs et la littérature reflète leurs racines et leur culture originelle. S’il y a bien un domaine où le melting-pot prend tout son sens, c’est celui-là. Et l’Amérique abrite toujours des écrivains qui ne sont pas nés sur son Terres d'Amérique - Francis Geffardsol, comme de nombreux jeunes auteurs s’intéressent au monde alors que ce n’était pas le cas il y a encore récemment. Les Etats-Unis sont toujours en proie à la tentation du repli. Obama a ouvert les horizons pendant ses deux mandats, je crains que Trump  ne les rétrécisse sérieusement. La littérature est le refletd’une société, de son état d’esprit, à un moment donné, un peu à la manière d’un organisme vivant qui se développe dans un environ donné. Je ne doute pas que les prochaines années seront passionnantes sur le plan littéraire, même si elles seront certainement difficiles.

Rien n’est fini, le programme à venir…

Enormément de projets excitants pour les années à venir… A la rentrée (août 2017, ndr), le nouveau livre de Colson Whitehead, The Underground Railroad  qui vient d’être couronné par le National Book Award, mais aussi le Terres d'Amérique - Francis Geffardtrès beau roman dystopique de Claire Vaye Watkins, Gold, Fame, Citrus  où l’Amérique fait face à la raréfaction de l’eau transformée en ressource extrêmement précieuse. Des écrivains confirmés qui reviennent avec un nouveau livre comme Dan Chaon, Louise Erdrich ou Joseph Boyden. Et quelques nouveaux-venus au talent formidable comme Robin MacArthur, dont le recueil de nouvelles Le coeur sauvage sort en mai prochain, ou Callan Wink, un jeune écrivain du Montana qui était devenu le protégé de Jim Harrison ces dernières années, dont les nouvelles paraîtront en octobre prochain. Ou, pour terminer, Matthew Neill Null, un jeune écrivain de Virginie-Occidentale qui a fait forte impression sur moi, et dont le roman Honey from the Lion sera publié en 2018, comme  The Twelve-Mile Straight de Eleanor Henderson, qui s’attache aux liens puissants qui lie les destins de deux familles, l’une blanche et l’autre noire, dans le Sud des années 1930…

Pour aller plus loin

La littérature étrangère chez Albin Michel.
Francis Geffard en interview vidéo pour les 20 ans de la collection.
L’idée de la photographie en tête d’article provient de l’interview « Mon Amérique à moi » de Francis Geffard, par le site Nyctalopes.