La mini série de Jed Mercurio, Bodyguard, cache bien son jeu. En six épisodes tendus, elle nous plonge dans des machinations politiques, avec au centre la lutte effrénée contre le terrorisme.
On l’avoue, on est totalement passés à côté de cette série, produite par la BBC, lors de sa sortie sur Netflix. Ça sentait l’action, les hormones et le bodybuilding, accompagnés d’une mise en scène appuyée. On a quand même fini par la regarder cette série, pour se rendre compte que l’on s’était fourvoyés et qu’en fait Bodyguard c’est une véritable série de politique fiction, construite en six épisodes, mais qui ne forment qu’un long métrage de 6 heures.
Bodyguard : l’homme de l’ombre et la politique
David Budd, interprété par Richard Madden, sergent de police et vétéran de la guerre d’Afghanistan, masquant plus ou moins son stress post-traumatique, est affecté à la protection rapprochée de la ministre de l’Intérieur anglaise, Julia Montague. Brillante et charismatique, celle-ci bataille pour faire passer la loi RIPA 18 contre le terrorisme. Partisane d’une ligne dure, elle y voit un bon moyen de lutter contre les actes terroristes tandis que ses opposants dénoncent fermement une nouvelle loi liberticide. Le parti au pouvoir est divisé, certains la suspectent de vouloir prendre la place du Premier ministre – elle lui vole régulièrement la vedette – et en coulisses, les manœuvres vont bon train pour la déstabiliser, voire la mettre hors-jeu.
La grande force de Bodyguard est de bien cacher son jeu. On pense suivre le quotidien du garde du corps sous tension d’une ministre, mais on se retrouve en plein série politique. En explorant la politique par ce biais détourné, depuis le point de vue d’un homme de l’ombre (et pourtant le plus proche de tous les faits d’un ou d’une politicienne), la série en montre les coulisses, des assistants qui se tirent dans les pattes aux conseillers plus ou moins bienveillants et manipulateurs.
Enfin, la série questionne sur l’éternel arsenal vendu par les dirigeants face au terrorisme, parfaitement d’actualité quand on voit la bataille (malheureusement perdue) de l’article 24 de la loi sécurité globale en France.
Le scénario est à toute épreuve, en tant que spectateur nous sommes complètement perdus, ne sachant plus à quel saint se vouer et qui croire. Car les personnages de Bodyguard sont insaisissables. Des principaux aux secondaires, tous semblent avoir des intentions ambiguës, et ont été conçus loin de tout manichéisme.
Les scénaristes sont parfaitement habiles et n’hésitent pas à trancher dans le lard (épisode 3, n’en disons pas plus). Nous sommes pris entre le Sergent Budd (mais peut-on lui faire confiance ?), les sombres magouilles politiciennes (iraient-ils jusqu’à tuer une ministre de l’Intérieur trop ambitieuse ?), la Sécurité Intérieure en dehors de tout contrôle, des flics sous pression politique…
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De l’action mais pas que…
Réalisée par le Français, Thomas Vincent, et le Britannique John Strickland, les six épisodes de Bodyguard oscillent entre drame, enquête policière et action. Si ce n’est pas une série d’action à proprement parler, quasiment chaque épisode possède une scène de ce type. La scène d’ouverture du premier épisode résume parfaitement la place que prend l’action dans Bodyguard, une série avec du muscle, mais surtout tout en tension, manipulation et mise en scène avec maestria.
Pour le casting, il n’y a rien à redire, c’est carré comme une bonne série de la BBC. On est surpris par l’intensité du jeu d’Anjli Mohindra, interprétant la djihadiste Nadia Ali, qui ne dit quasiment rien mais dont tout passe par de grands yeux expressifs. Mention spéciale à Gina McKee, qui joue la cheffe de l’antiterrorisme, dont les intentions très difficiles à cerner font froid dans le dos…
Cet article a été rédigé par Christophe Dupuis et Flora Vernaton.
Pour aller plus loin
Bodyguard sur le site de la BBC et en diffusion sur France 2