La série Southcliffe a été créée en 2013 par la chaîne anglaise Channel 4. Sean Durkin est à la réalisation, et on retrouve au scénario Tony Grisoni, adaptateur de la tétralogie du Yorkshire de David Peace pour The Red Riding Trilogy.
Southcliffe pourrait être un objet peu aimable, par l’impassibilité avec laquelle elle traite d’un sujet aussi sensible que celui d’une tuerie au sein d’une bourgade. Mais la série est au contraire saisissante, exactement pour ces mêmes raisons.
La grisaille de la côte et de sa campagne, surmontée par des lignes à haute tension et leur bourdonnement caractéristique. Une ville qui s’éveille dans la grisaille. Une femme qui jardine et qui reçoit une balle. Des détonations dans une ville qui semble déserte, des sirènes au loin.
Les premières images de la série sont rêches, directes, elles font entrer sans détour son spectateur au cœur du récit, sans aucune sensibilité. Cette sécheresse, et la distance qui l’accompagne, forment le parti pris majeur de la série Southcliffe pendant ses quatre épisodes, à la fois dans ce qu’elle montre de cette ville anglaise et de ses mœurs, mais aussi formellement, dans sa réalisation.
La dissection d’une bourgade anglaise endormie
« Une bourgade anglaise endormie. Les gens ne commettent pas de massacre ici. Une communauté soudée, respectueuse des lois. Des âmes simples. Des braves gens. L’Angleterre profonde. »
C’est ainsi qu’est décrite la ville sans histoires de Southcliffe, qui va pourtant se retrouver au cœur de l’actualité anglaise après que l’un de ses habitants, Stephen Morton (glaçant Sean Harris), ait tué quinze de ses concitoyens, sans raison apparente. La série montre l’avant et l’après de ce massacre utérin, d’un personnage à l’autre, suivant la douleur des familles des victimes et leur incompréhension. L’intérêt de Southcliffe ne réside ni dans ce seul exposé, ni dans la recherche des motivations d’une telle barbarie, mais bien dans la confrontation de cette ville, et de ses habitants, avec cet événement.
Par le biais de David Whitehead (Rory Kinnear), journaliste londonien, originaire de Southcliffe, et contraint de revenir couvrir la tuerie, la responsabilité de la ville est questionnée. Cette figure du journaliste permet de fouiller les entrailles de la ville, de faire remonter certains faits passés, de révéler ses faux semblants. Si ce personnage, plein de rancœur, est dans l’accusation permanente de la culpabilité de la cité, ce n’est pas le cas de la série, qui montre sans juger.
En effet, elle révèle simplement ce qu’il y a au-delà de l’image d’une petite ville tranquille, c’est-à-dire les individualités qui la composent, et qui ont, comme tout un chacun, leur lot de défauts et de vices.
Là où l’attrait de la plupart des séries se fonde sur leurs personnages, et leurs caractéristiques, du charme à la pure antipathie, Southcliffe n’est que distance. Il n’y a aucun héros, aucun personnage n’est mis plus en évidence qu’un autre. La série opte pour une vision documentariste, en ne faisant que suivre le quotidien de ses personnages, n’adoptant jamais le point de vue d’un des leurs.
Puzzle scénaristique
La série use d’une forme éclatée pour raconter l’histoire de cette ville et de ses habitants. Si l’essentiel de Southcliffe constitue la tuerie commise par Morton et les deux jours qui la suivent, elle a néanmoins une temporalité plus diffuse. Elle est construite sur une alternance permanente de flashbacks et de flashforwards, si bien qu’il ne semble plus exister de temps principal dans certains épisodes. Cette forme éclatée n’est pas seulement temporelle, elle permet aussi de passer d’un personnage à l’autre. Le spectateur pénètre dans le foyer d’un nouvel habitant de Southcliffe, et par le biais d’images de son passé, de son futur proche, ou d’un ici et maintenant, il entrevoit son quotidien et ses relations. Le procédé permet non seulement de voir une même scène sous différentes perspectives, où le quotidien de chacun se répond, mais aussi d’avoir une vue d’ensemble sur la vie de la cité.
Une série succincte
Enfin, l’avantage de cette série est sa durée. À l’heure où il y a toujours plus de séries, et un lot indénombrable de saisons qui les accompagne, quand en commencer une nouvelle signifie ne pas savoir si l’on s’engage pendant un, cinq ou dix ans de fidélité continue, Southcliffe a le sérieux atout de n’être composée que d’une seule saison, de seulement quatre épisodes de 47 min chacun. Elle est donc loin d’être chronophage, et pour ça, on la remercie.
Pour aller plus loin
L’intégrale de la série est disponible aux Éditions Montparnasse.