Nous avions fini l’année 2018 avec le somptueux Terres fauves, publié chez Le Mot et le Reste. Nous ne connaissions pas Patrice Gain, la découverte fut marquante, le roman s’avérant l’un des meilleurs titres français de l’année… Nous vous proposons de débuter 2019 par un bref retour sur ce roman, en cinq points commentés par l’auteur.
Le Mot et le Reste
Le Mot et le reste est une maison d’édition marseillaise dirigée par Yves Jolivet. L’ambiance y est excellente et les relations simples et directes. Elle publie dans sa collection littérature des textes « À ciel ouvert ». Cette dernière accueille des auteurs comme Mary Austin, Kenneth White, Ahmed Kalouaz ou encore André Bucher.
L’Alaska
L’Alaska c’est trois fois la France pour 740 000 habitants. C’est une terre sauvage jusqu’à son emplacement géographique.
« L’environnement forge les hommes. C’est son côté caméléon. L’Inuit ou l’homme du désert ne me ressembleront jamais, et c’est heureux pour eux, pour leur survie je veux dire. » C’est une phrase de David, le narrateur et c’est précisément l’idée que je me fais de la chose.
Comme Ron Rash, je pense que notre destin dépend de l’endroit où l’on vit et ce dernier n’est pas toujours choisi. Dans Terres fauves, quand David rencontre le guide Alex McKilian près d’un lac au pied du Mont Logan, il lui dit ceci « Le lieu où j’habite m’importe plus que ce que je peux y faire». À titre personnel, c’est ce que je me suis efforcé de faire jusqu’à aujourd’hui.
Quand j’écris, il me faut un territoire, des paysages et je pose mes personnages au milieu. Ils interagissent ensuite les uns avec les autres.
La nature
Dans mes romans il y a des hommes, des montagnes, des canyons, des rivières et des espaces où l’on peut suivre le fil de l’horizon sans que rien d’humain ne vienne l’entacher. Des endroits « où le voisin le plus proche est le bon Dieu ».
Enfant, j’aimais courir les Grées et les landes avec mon cousin pendant des journées entières. Il était plus âgé que moi et en connaissait tous les recoins à des kilomètres autour de la ferme. Puis il y a eu les rencontres avec la montagne, les territoires d’altitudes, les espaces arides, désolés, frileux et sauvages. Ils exercent sur moi une vraie fascination.
La nature n’est ni bonne ni mauvaise. Elle est juste elle-même et il faut bien avouer que ce n’est pas à proprement parler le monde des Bisounours. Schématiquement, les plus costauds chassent les plus faibles, mais il existe une foule d’interaction qui participe à un subtil équilibre, une harmonie. Il appartient à chacun d’en capter ses essences en fonction de sa propre psychologie environnementale.
Dans mes romans il y a des hommes, des montagnes, des canyons, des rivières et des espaces où l’on peut suivre le fil de l’horizon sans que rien d’humain ne vienne l’entacher.
La violence
Mes personnages cultivent souvent une forme d’ambiguïté que j’aime attiser, introspecter. Il m’arrive de m’interroger sur ce que je ferais dans telle ou telle situation. J’aime étudier, travailler leur psychologie. C’était déjà le cas dans Denali. La résilience de Matt face aux épreuves de la vie, la descente aux enfers de son frère Jack perdu dans les affres de la méthamphétamine et celles des hommes rencontrés, portant parfois en eux l’ambivalence du Bien et du Mal.
Dans Terres fauves, David a une conscience très forte de notre époque, ce qui lui fait dire ceci quand il rencontre les gars de Kluane Wilderness « J’ai parfois le sentiment de me trouver à un croisement de l’humanité : l’un des chemins ancre l’homme dans sa condition de prédateur et l’autre l’amène à s’en éloigner et à cultiver ce qu’il mange. »
La fin de l’histoire n’est pas morale, mais je ne suis pas là pour prendre parti ou imposer une direction.
Le roman noir
Je suis un inconditionnel de Steinbeck, que j’ai découvert très jeune. Je citerai également Larry Brown et ses merveilleux dialogues, Charles Williams, Jim Thompson, Richard Wagamese, (découvert récemment, merci à Jacky), Richard Ford et l’excellent Kent Haruf.
Pour aller plus loin
Patrice Gain chez son éditeur, Le Mot et le Reste