En 2013, les éditions Asphalte sortaient L’Île invisible de Francisco Suniaga. Sa réédition ce mois-ci est l’occasion de ressortir une chronique vantant les mérites de cette petite pépite.
Bien souvent revient la question « qu’est-ce qu’un roman noir » ? Quelle est sa définition ? Et tout ce qui s’en suit…
Prenez L’Île invisible premier et somptueux roman du vénézuélien Francisco Suniaga. Vous avez tout d’un polar : Wolfgang Kreutzer, un Allemand vivant à Margarita, île vénézuélienne, « paradis caribéen pour touristes européen » qui se noie en se baignant. Noyade, affaire classée. Sauf que quelques temps après débarque sa mère, complètement déboussolée suite à la réception d’une lettre anonyme disant que la femme de son fils aurait prémédité le meurtre. Elle fait donc appel à un avocat local/détective privé… Tout y est non ?
Et pourtant, ce n’est pas un polar. Pourquoi en parler alors ? Et bien parce que, comme écrit plus haut, le texte est fantastique et que nous ne sommes pas loin du genre (mais, de grâce, ne demandez dans quelle catégorie le ranger).
La playlist de L’Île invisible :
L’Île invisible, l’autre face du paradis caribéen
L’Île invisible, c’est Margarita. Margarita a sa face visible : ses eaux turquoises, le temps magnifique et tous les clichés qu’on peut associer à ces petits paradis caribéens. De l’autre, sa face invisible, celle que Madame Kreutzer ne découvrira jamais – car elle en sera protégée par l’avocat – et qu’elle ne pourrait jamais comprendre, avec son éducation et sa mentalité allemande.
La notion du temps n’est pas la même : « Sur l’île, le temps était un élément qui avançait à sa guise et qu’aucune urgence ne pouvait altérer le cours ralenti de chaque chose. » La « topographie bureaucratique » est particulièrement complexe, et « La justice était un élément presque impossible à trouver ».
C’est dans ce méandre de règles, de comportement des habitants et de leurs habitudes, que nous emmène de façon magistrale Francisco Suniaga. L’avocat va enquêter, tenter de se dépatouiller de ce système qu’il connaît mais qu’il a toujours autant de mal à appréhender et ses recherches vont l’amener dans de petites arènes où se déroulent des combats de coqs. Le livre est dense, précis, dressant une véritable cartographie ethnologique de l’île. La construction est centrée sur plusieurs personnages, avec quelques extraits du journal tenu par Wolfgang. Ajoutez des descriptions patrimoniales, des discussions philosophiques de différents personnages et vous obtiendrez ce qui était incontestablement l’une des meilleures découvertes de 2013.
Pour aller plus loin
L’Île invisible chez Asphalte