Cette année encore, nous nous sommes rendus au Festival international du film policier de Beaune, pour sa dixième édition. Tristesse quand même de n’avoir pu participer à l’édition intégrale du festival, et à l’idée d’avoir manqué Viggo Mortensen… Reprenons-nous, voici la présentation de deux films qui ont marqué notre, trop court, séjour : The Guilty de Gustav Möller et Ajji de Davashish Makhija.
The Guilty
Un policier, une salle d’un centre d’appels d’urgence et des voix au bout du fil, voici l’essentiel du premier film de Gustav Möller. De ces simples éléments, il parvient pourtant à dégager une tension quasi-constante et à captiver son public.
Tout est réduit au strict minimum, les acteurs sont très peu nombreux, le décor tient en un seul lieu, et le temps d’action correspond à la durée du film. L’histoire est elle aussi des plus sobres : un policier en centre d’appels d’urgence, alors que son service touche à sa fin, décroche à une femme confuse, apeurée, s’adressant au téléphone comme l’on parle à un enfant. Il va pour raccrocher mais comprend in extremis que cette femme a été kidnappée et qu’elle appelle à l’insu de son ravisseur. Au moyen de ses seuls téléphone et casque, il va tenter de la sauver.
L’acteur Jakob Cedergren porte le film pendant une heure et demie, occupant la majeure partie des plans, son jeu traduit une infinité d’émotions – de la réflexion à l’exaspération et à la violence –, qui, conjointement aux coups de téléphone, imposent le rythme du film.
Son personnage se révèle bien plus complexe qu’un simple préposé au téléphone, car, on le comprend rapidement, ce policier a été muté ici dans l’attente de son procès. Qu’a-t-il fait ? nous le saurons à la fin, mais ce qui est intéressant, c’est qu’il est un flic de terrain, un homme qui reçoit cet appel désespéré et qui rêve de sauter dans sa voiture pour enquêter. Mais il est bloqué à son bureau, il n’a que son téléphone pour tenter de faire avancer les choses, et son impatience renforce la tension du film.
Gustav Möller a trente ans. Fraîchement diplômé de l’École Nationale du Film du Danemark, The Guilty est son premier film. Cela force le respect. Espérons juste que cette sobriété récompensée ne se diluera pas dans un budget plus conséquent pour son prochain film.
Prix de la critique du Festival International du film policier de Beaune
Sortie française le 11 Juillet 2018
Ajji
Comme The Guilty, Ajji est aussi un film sobre dans sa composition : peu d’acteurs et des décors qui tiennent en quelques plans de bidonville. Le film se déroule en Inde, où une enfant est retrouvée inconsciente et violée. La police ne se préoccupe pas trop d’enquêter, la famille vivant dans le dénuement le plus total, parfois en marge de la légalité pour tenter de gagner de quoi survivre. La grand-mère, couturière percluse par l’arthrite, va tenter de retrouver le violeur de sa petite-fille et de se venger.
Si l’histoire est assez classique, et qu’on lui regrette quelques mauvais stéréotypes, ce qui fait le charme du film de Devashish Makhija est l’ambiance qu’il instaure. Loin de tout misérabilisme, il présente ces personnages en les filmant au ras du sol, de façon brute, au plus près de leur humanité – en témoignent quelques scènes chez le boucher, par exemple. Tourné essentiellement de nuit, le film vaut par sa lumière et le regard porté sur le bidonville, filmé comme un véritable lieu de vie.
Il est aussi primordial de saluer le rôle de cette grand-mère, incarné par l’actrice Sushama Deshpande, dénuée de tout moyen d’enquêter et de vengeance, mais qui tient le film par sa persévérance.
Prix Sang neuf du Festival International du film policier de Beaune
Pas de sortie française annoncée
Cet article a été rédigé par Flora Vernaton et Christophe Dupuis.
Pour aller plus loin
Nos articles sur les éditions précédentes du festival : 2016, 2017.
Le site et le facebook du Festival International du Film Policier de Beaune.
The Guilty chez son distributeur, ARP.