Pascal Dessaint, c’est un long compagnonnage chez Rivages : des livres noirs, la saga d’Emile, la nature omniprésente (chroniques ou romans), le tout avec brio.
L’auteur revient sur ce long parcours dans cette maison qu’il n’a jamais quittée.
Comment s’est fait ton arrivée chez Rivages ?
J’avais publié déjà trois livres, dont De quoi tenir dix jours et Une pieuvre dans la tête à l’Incertain, une maison d’édition animée par Gilles Vidal et Grégoire Forbin, des gens assez fous pour publier des recueils de nouvelles d’auteurs français inconnus ! Il faut leur rendre hommage. Ils m’ont mis le pied à l’étrier. Ils publiaient aussi les poèmes de Raymond Carver, Richard Brautigan ou Jim Harrison, qui n’avait pas encore connu le succès que l’on sait. Je me sentais bien à L’Incertain. Malheureusement, l’audace en édition et l’amour d’une certaine littérature ne sont pas toujours payants. L’Incertain a mis la clé sous la porte et Claude Mesplède m’a encouragé « à réfléchir à mon avenir ». Il lisait alors des manuscrits pour Rivages. Je le revois me demander sur un trottoir de Toulouse : « Alors, Série Noire ou Rivages ? » La Série Noire, dirigée par Robert Soulat, m’avait refusé un roman quelques années plus tôt. J’adorais le catalogue Rivages, en particulier parce qu’on y trouvait Jim Thompson. Je n’osais pas croire que Rivages me publierait, mais j’ai décidé tout de même de tenter ma chance. Je venais de terminer La vie n’est pas une punition, Rivages avait publié Les morsures de l’aube, alors il y avait peut-être une place pour moi. Michel Lebrun me poussait aussi vers Rivages. De passage à Toulouse, il m’avait demandé une nouvelle pour la revue polar, Les numéros gagnants qui est parue en juin 1994. Claude Mesplède a parlé de moi à François Guérif, qui avait aimé Une pieuvre dans la tête. Les choses se sont ainsi enchaînées, avec une certaine logique qui me grise encore ! La vie n’est pas une punition, qui n’est pas franchement un polar, est sorti en 1995.
Quel a été leur accueil ?
Merveilleux. Je me souviens de ma première vraie rencontre à Paris avec François Guérif. La première avait eu lieu au Mans et je n’avais pas osé lui parler. À Paris, j’étais sur un nuage mais encore très impressionné ! Nous sommes allés déjeuner, je ne me souviens pas que nous avons beaucoup parlé, mais à la fin de la rencontre, sur le chemin de la maison d’édition, 106 boulevard Saint-Germain, François Guérif a dit des choses qui étaient extrêmement rassurantes pour moi qui suis naturellement anxieux. Nous allions signer un contrat pour un livre, certes, mais pour lui il s’agissait d’un premier pas, et si je le voulais nous ferions un long chemin ensemble. Ça prendrait peut-être du temps mais le succès viendrait. L’année suivante, Bouche d’ombre recevait le Prix Mystère de la Critique et en 1999 Du bruit sous le silence rencontrait un succès indiscutable, en même temps qu’il recevait le Grand Prix de la littérature policière. C’était il y a 21 ans et nous en sommes à 18 livres ensemble…
Comment se passe le travail sur ton manuscrit ?
François Guérif m’appelle et nous parlons un peu du livre. Il fait parfois des remarques mais rarement il oblige à des changements. Un exemple… Du bruit sous le silence. La fin est ouverte et ça le gênait un peu. Il m’a demandé d’y réfléchir, j’ai persisté dans ce sens et il a respecté mon choix. Je tenais à cette fin ! Une seule fois, il m’a demandé de reprendre un manuscrit. J’ai attendu un an pour lui remettre une nouvelle version. Et je ne le regrette pas ! François Guérif aime les auteurs et il est toujours très délicat avec eux. Ensuite, le roman passe au crible ! Commence alors un travail au plus près du texte. J’adore ! C’est stimulant. Rien n’échappe à Jeanne Guyon ou Benjamin Guérif. On traque la répétition malheureuse, élimine les dernières scories ! Du moins nous le croyons, jusqu’à ce que intervienne le correcteur avec qui j’aime travailler, le même depuis de nombreuses années…
Doutes-tu à chaque livre envoyé ?
Carrément. Et je vais te faire un aveu : c’est de pire en pire. Il paraîtrait que c’est bon signe…
Peux-tu nous donner tes 5 livres de chevet Rivages/Noir ?
5 seulement ! Il y a plus de 1000 titres ! D’accord, mais quand je cite un roman, je veux encourager à lire toute l’œuvre de l’auteur ! Vous avez compris que la singularité de Rivages/Noir est de publier des œuvres ! Loin devant il y a Hallali de Jim Thompson – c’est le roman que j’aurais aimé écrire. Puis… Ah ! comme c’est difficile ! Dans la brume électrique avec les morts confédérés de James Lee Burke. Combats de coqs de Charles Willeford. Les amis de Pancho Villa de James Carlos Blake. Nous ne sommes rien soyons tout de Valerio Evangelisti.
Je ne voudrais pas faire trop de jaloux, aussi j’en rajouterais bien quelques-uns : Le meilleur des Rivages.
Pour aller plus loin
Pascal Dessaint chez son éditeur
Le site de l’auteur