Mini-série créée par Paul Abbott pour la BBC en 2003, et réalisée par David Yates, State of Play, n’a pas pris une ride… Bref retour sur une série politique et policière de six épisodes.
Stephen Collins, député en charge de la commission gouvernementale de l’énergie, doit remettre un énorme rapport après plus d’un an de travail. Brillant, charismatique, il pourrait bien devenir l’un des grands hommes politiques du pays. La série débute le jour où son assistante meurt en passant sous les roues du métro. Cal McAffrey (John Simm) et Della Frye (Kelly Macdonald), journalistes au Herald, couvrent la mort d’un jeune Noir, probablement reliée au trafic de drogue. Rapidement, il apparaît que les deux décès sont connectés, l’assistante du député et le jeune de cité se seraient téléphonés une heure avant qu’ils meurent.
Un thriller complexe et percutant
En six épisodes, State of Play fait preuve d’une redoutable efficacité, maniant aussi bien le suspense, l’intensité dramatique et l’humour. La série se construit en suivant le député Stephen Collins, interprété par David Morrissey, rapidement placé sous le projecteur des médias et dont il devient la proie, et l’enquête journalistique, qui prend rapidement le pas sur celle des policiers.
Outre cette passionnante affaire journalistique, la série suit aussi les personnages dans leur vie personnelle tourmentée. Car si la mort de son assistante impacte la vie politique de Stephen Collins, elle met aussi à rude épreuve sa vie privée. Le fait que l’un des journalistes du Herald, Cal McAffrey ait été le directeur de campagne de Collins quelques années auparavant, et qu’il reste l’un de ses proches amis, permet aux spectateurs d’entrer pleinement dans la sphère personnelle des deux hommes et d’avoir une compréhension globale la situation.
Politique, médias et police
State of Play brille par son écriture où tout est millimétré. D’un simple fait divers originel, l’histoire mue progressivement en affaire d’État. Chaque piste débouchant sur quelque chose de plus important. La série s’appuie sur les trois piliers de la fiction policière politique que sont le pouvoir, la police et les médias, et à partir de ceux-là développe brillamment, en seulement six heures, leurs thématiques en les mêlant habilement.
C’est l’enquête de la rédaction du Herald, qui va devancer le travail des policiers, qui est au cœur de la série. C’est une trame que l’on retrouve souvent dans ce genre de fiction, le journaliste prenant la place du policier. Pourtant, avec State of Play Paul Abbott montre que les liens avec la police restent inévitables, bien que parfois forcés. Concernant les réalités de la presse, la série met en avant la censure exercée par la direction, alors que les révélations de l’enquête se font de plus en plus saisissantes.
Décortiquant les liens entre journalistes et politiques, notamment par la relation de McAffrey et Collins, la série montre que si les uns poursuivent les autres à la recherche d’infos et autres scoops, ils ne font que jouer au jeu de leur fonction. Quant à la mise à nu de la vie privée de Collins en une des quotidiens, elle souligne la pression des médias et leur pouvoir auprès de l’opinion publique.
Enfin, en bonne fiction politique, State of Play dénonce habilement la corruption des personnalités politiques et la place prégnante des lobbys et groupes de pression, au sein des institutions publiques et étatiques.
Des personnages réalistes
Mais tout ne repose pas que sur ce scénario impeccable, chaque personnage est particulièrement travaillé. Du jeune politicien, déjà véritable prototype de l’exercice politique mais encore trop naïf, à l’ami déchiré entre ses désirs, sa loyauté et ses obligations professionnelles, en passant par Della Frye, la jeune journaliste ambitieuse et prudente, State of Play brosse des portraits réalistes. À l’inverse de bon nombre de séries, celle-ci ne cherche pas à créer de connivence entre ses spectateurs et ses personnages. Il n’y a pas d’attachement particulier à l’un d’eux, et cela permet de servir au mieux le propos.
Les personnages et les liens qu’ils tissent entre eux sont complexes et parfaitement crédibles. La série fait aussi la part belle à l’humour, notamment lorsqu’elle suit les journalistes en salle de rédaction. Par des dialogues qui fusent à un rythme effréné, les répliques se font des plus mordants. On saluera particulièrement celles de l’impitoyable rédacteur en chef, joué par le génial Bill Nighy.
Paul Abbott, aussi créateur des séries Shameless et No Offence, parvient en six épisodes à créer une série intense et mémorable. Ce n’est pas tant par ses qualités esthétiques que la série épate. Seize ans après sa création State of Play est toujours aussi acerbe, sa description du lobbying, et de la corruption du monde politique paraît des plus actuelles. Et ce, aussi car elle met en scène une commission gouvernementale sur l’énergie, et à l’heure où les questions d’énergie et d’écologie sont au cœur des débats politiques et sociaux, on ne peut s’empêcher de trouver dans State of Play de fâcheuses résonances.
À noter, un remake américain a été réalisé au cinéma par Kevin Macdonald, avec au casting : Russell Crowe, Rachel McAdams et Ben Affleck.
Cet article a été rédigé par Christophe Dupuis et Flora Vernaton.