Sous-préfet, pas commissaire ! – La série Rocco Schiavone d’Antonio Manzini

Couverture italienne de Maudit Printemps, troisième volet de la série.

D’un point de vue subjectif, cela faisait longtemps qu’on n’avait pas trouvé un héros récurrent si intéressant. Entre cynisme, noirceur, humour ravageur et fêlures, le sous-préfet Rocco Schiavone arpente les rues d’Aoste, son purgatoire, dans des affaires de niveau dix sur son échelle de Richter des emmerdements.

Pour une biographie détaillée, il vous faudra faire le tour des sites italiens, langue que nous ne maitrisons pas. En bref, sachez qu’Antonio Manzini est acteur, réalisateur, scénariste que ce soit pour le cinéma et la télévision. Il écrit deux livres, non publiés en France, avant de se lancer en 2013 dans la série Rocco Schiavone. C’est traduit chez Denoël, dans l’ordre, ce qui est à souligner.

Rocco SchiavoneRocco Schiavone est un sous-préfet, lassé que les gens l’appellent commissaire. Dans Piste Noire, l’épisode un, cela fait quatre mois qu’il est muté à Aoste. Sanction disciplinaire, vous apprendrez pourquoi, et Schiavone le vit très mal « Au bout de quatre mois, tout ce qu’il connaissait de la région, c’était chez lui, la préfecture, le parquet et l’auberge des artistes». Mais il n’a rien de particulier contre la ville « ce n’était pas la destination qui l’affligeait. C’était la maison mère, son environnement existentiel, sa niche qui lui manquait plus que tout ». Aoste, donc, où Schiavone peste contre le froid « C’était le mois de mars, où les journées offrent des instants de soleil et la promesse su printemps à venir. Des rayons encore tièdes, souvent fugaces, qui colorent le monde et ouvrent à l’espoir. Mais pas à Aoste ».

Schiavone, par bravade, continue à se vêtir comme à Rome. Il poussera même le vice jusqu’à enquêter en montagne en Clarks.

Les enquêtes, Schiavone n’aime pas ça. Il y a d’ailleurs de nombreuses choses qu’il n’aime pas et qu’il a classé sur sa propre échelle de Richter.

L’échelle commençait à six, c’est-à-dire tout ce qui concernait les tâches domestiques […] Enfin, il y avait le dernier degré de l’échelle. Le nec plus ultra, la mère de tous les emmerdements : une affaire qu’on lui mettait sur le dos.

Et des affaires, il va y en avoir, car il nous faut des livres à lire. Sachez que le cadavre, « C’était un bel emmerdement niveau dix. Peut-être même avec les félicitations du jury ». Pour mener ses affaires, Schiavone n’est pas aidé. Entouré de subordonnés particulièrement stupides, ce qui donne d’excellents dialogues à l’ironie mordante, il ne peut compter que sur quelques collègues avec qui différents liens vont se créer au cours des romans. Mais si Schiavone est un excellent enquêteur, il a aussi une grande part d’ombre qui fait tout le sel de la série. Un côté hors-la-loi, que vous découvrirez sous différents aspects, tâchons de ménager le suspense, et une fêlure amoureuse, classique objecterez-vous, mais particulièrement bien traitée « le passé est un mort dont le cadavre n’arrête pas de venir te voir. De nuit comme de jour ».

Rocco Schiavone

Schiavone est le plus souvent en rogne, ce qui donne lieu à de grands moments humoristiques et ne cesse de comparer les humains à son propre bestiaire, ce qui permet à Antonio Manzini de faire d’excellentes descriptions.

Mais la série ne tient pas que sur le sous-préfet, les seconds rôles sont également bien travaillés, tout comme les scenarios.

Alors, arrêtons-là et partez lire les livres, cela vaudra mieux.

Pour aller plus loin

Piste noire, traduction de Samuel Sfez, Denoël 2015
Froid comme la mort, traduction d’Anaïs Bouteille-Bokobza, Denoël 2016
Maudit printemps, traduction de Samuel Sfez, Denoël 2017
Antonio Manzini chez Denoël et Folio.