Pour continuer à célébrer l’anniversaire de la collection de nouvelles Polaroid chez les éditions In8, nous avons posé quelques questions à deux autres auteurs du catalogue : Marcus Malte et Marin Ledun.
La nouvelle chez Marcus Malte
Marcus Malte, quel est votre rapport à la nouvelle ?
Marcus Malte : Il est plutôt bon… C’est un exercice très difficile, je trouve, et à chaque fois un défi. La grande majorité des nouvelles que j’ai écrites étaient des commandes (des « propositions », disons), avec des contraintes plus ou moins contraignantes. J’aime ça. Cela m’oblige à produire des choses vers lesquelles je ne serais peut-être pas allé de moi-même. Dans mes romans, j’ai tendance à digresser et à partir sur des chemins de traverse, parfois assez loin de la trame principale : je le sais, je l’assume et ça me plaît aussi. Dans les nouvelles et novellas, je ne peux pas me le permettre, j’apprends à tailler au plus juste, aller à l’essentiel – avec donc cette question : qu’est-ce qui est essentiel ?
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Quel est votre rapport avec Marc Villard et la collection Polaroid ?
M. M. : Je n’aurais peut-être pas participé à cette aventure si ce n’était pas Marc qui me l’avait demandé. C’est un auteur que je lis et que j’admire depuis longtemps, et c’est un ami.
Le fait de savoir que le texte serait d’abord lu et « jugé » par lui était une sacrée pression. Je me disais que je n’avais pas intérêt à me louper ! Quant à la collection, je trouve que c’est un pari osé, courageux, et formidable que de proposer des textes dans un format que la plupart des éditeurs hésitent, voire refusent de publier. En France, davantage je crois que dans les pays anglo-saxons, le roman est le genre roi. Difficile de faire publier des nouvelles ou novellas, pour des raisons qui me semblent assez fallacieuses. Nous n’avons pas vraiment cette culture.
C’est bien dommage car il y a de vrais petits bijoux parmi les textes courts. Avec cette collection, les éditions In8, réussissent à combler ce manque et à prouver, une fois de plus, que ce n’est pas la taille qui compte !
Quand vous dites « Dans les nouvelles et novellas, je ne peux pas me le permettre, j’apprends à tailler au plus juste, aller à l’essentiel – avec donc cette question : qu’est-ce qui est essentiel ? » Abordez-vous la nouvelle comme le roman ? Est-ce un travail complètement différent ?
M. M. : Non, le travail n’est pas foncièrement différent entre la nouvelle et le roman. Je l’aborde de la même façon, si ce n’est qu’ayant à l’esprit la contrainte de la longueur, il y a une espèce de déclic qui s’opère, des bornes qui se mettent en place, d’une façon presque « instinctive », et qui vont m’obliger à ne pas dépasser. Dans le cas de la nouvelle, j’ai le cadre en tête et mon écriture va en quelque sorte s’y adapter, aussi bien par le sujet que par la forme.
À part ça, je fonctionne de la même façon que pour le roman.
La nouvelle chez Marin Ledun
Marin Ledun, quel est votre rapport à la nouvelle ?
Marin Ledun : L’exercice est impressionnant et périlleux. Il exige une écriture « à l’os » qui me rappelle, dans un autre genre, celle de pièces radiophoniques. Pas ou peu de place pour les fioritures. Il convient de se concentrer sur la structure du texte, les personnages doivent être caractérisés en quelques coups de pinceaux, l’histoire doit rester fixée autour de l’action et de la chute. Exercice périlleux donc, mais très formateur en retour pour l’écriture de romans. J’ai beaucoup appris en écrivant deux novellas pour In8 sur la pratique romanesque, notamment à resserrer, à élaguer, à me concentrer sur les caractéristiques principales de mes personnages, y compris, et surtout pour des textes longs.
Quel est votre rapport avec Marc Villard et la collection ?
M. L. : Comme Marcus Malte, je ne me serai jamais lancé dans l’aventure sans une demande de Marc Villard. Il est un maître du genre, en France. Se savoir lu par lui est synonyme d’exigence. Directeur de collection, oui, mais auteur avant tout. Ses remarques n’étaient jamais là où je les attendais et elles m’ont vraiment aidé à progresser. En même temps, je crois qu’être publié aux côtés d’écrivains de qualité comme Marcus Malte ou Franz Bartelt, que j’adore en tant que lecteur, était presque aussi impressionnant que stimulant. L’effet collection vous place dans une forme de rapport d’égalité. Quelle est ma voix dans ce format ? Quelle est ma singularité ? En ai-je véritablement une ? Suis-je capable de leur raconter mes propres petites histoires, à ma façon ? Et pourquoi pas, après tout !
Comment est née Aucune bête ?
M. L. : De ma première expérience dans ce format chez In8 en 2012 avec No more Natalie. Continuer le travail sur le court, cette fois-ci en me recentrant, non pas sur l’histoire, très classique, mais sur le personnage principal, dans un texte quasi sans dialogues. La protagoniste est une coureuse d’ultrafond, engagée sur une course de 24h. L’essentiel du texte porte sur son rapport au corps. Au corps de sportive, bien sûr, puisque l’épreuve qu’elle s’inflige est dure physiquement. Mais également son corps de femme, d’épouse, de mère, d’ouvrière, et de ce que ça implique sur son propre rapport au monde. La course crée du mouvement, de l’action, là où le rapport au corps impose une forme de lenteur, de réflexion. Le contraste entre mouvement et réflexion forme la base d’Aucune bête.
Des choses à ajouter ?
M. L. : Lisez Démons ordinaires et Personne n’en sortira vivant, deux recueils de nouvelles géniaux de Marc Villard, respectivement publiés au début des années quatre-vingt-dix et en 2003 aux éditions Rivages.
Pour aller plus loin
Marcus Malte et Marin Ledun sur le site des éditions In8.
Démons ordinaires et Personne n’en sortira vivant de Marc Villard aux éditions Rivages.