Connaissez-vous RIEN ?

RIEN - Amicale Underground

Trop tard. Le groupe grenoblois s’est éteint il y a maintenant deux ans. Après quinze années d’existence à parsemer leur rock instrumental partout en France, RIEN n’est plus.

RIEN c’était un don inné pour se créer une mythologie personnelle, un art de l’absurde, et un talent pour faire naître une musique aussi diverse que jouissive. RIEN c’est aussi un nombre incalculable de jeux de mots possibles avec le nom du groupe, souvent peu brillants d’ailleurs, cet article n’en est pas exempt.

Dès sa formation en 1999, le groupe programme sa propre mort en décembre 2014 et, malgré la déception de ses fans, se tiendra à cette date funeste, mettant en scène ses funérailles au moyen d’une pierre tombale pyramidale sur les hauteurs de Grenoble.
L’anecdote montre bien à quel point les membres du groupe savaient manier l’extravagance, de leurs pseudos à leurs pochettes d’albums – qui suivant un plan de construction se faisaient, elles aussi, pyramides – en passant par le libre téléchargement de tous leurs albums. Leurs concerts avaient eux aussi cet esprit ludique, pour l’un une voix robotique communiquait à la place du groupe au public, pour l’autre on assistait en arrière-scène à une projection des pensées en temps réel des membres du groupe, c’était totalement barré, ça ne rimait à rien, et c’était vraiment cool.RIEN - Amicale Underground

Tout cela aurait pu être un plan marketing redoutable, mais c’était un folklore nonchalant, une façon d’être, sans jamais se prendre au sérieux. Surtout que le succès, à l’instar de n’importe quel groupe de rock instrumental, aura toujours été partiel, comme si cela devait rester « un truc pour initiés ».

Au delà de ces fantaisies, RIEN c’est 2 albums et 3 Eps.

Il y a d’abord eu en 2004 Requiem pour des baroqueux, puis trois ans après, Il ne peut y avoir de prédictions sans avenir, et à partir de 2010, le début de la fin, trois Eps dont les intitulés ont doucement mené le groupe vers la mort, 3 (2010), 2 (2013) puis 1 (2014).

Il est difficile de caractériser la musique du groupe, tant le mélange des genres fait partie de leur ADN. Souvent catégorisés comme « post-rock », étiquette facile, terme fourre-tout, les Grenoblois ne s’en revendiqueront jamais, préférant le sobre « rock instrumental ». Rock instrumental donc, sachant manier de rageurs épisodes comme de plus douces ballades, mais aussi un peu de musique électronique, des cris, et ce qui ressemble à de l’orgue des fois. RIEN c’est un peu tout cela et rien de tout cela à la fois.

RIEN a su créer une musique protéiforme, jonglant avec les ambiances et les thèmes – d’un morceau à l’autre, ou au sein même d’une seule composition –, se faisant énervée, lyrique et ésotérique, noise ou pop (le morceau B.A.S.I.C., en collaboration avec Damon Locks, reste LE tube pop de RIEN). Leur musique a été des plus passionnantes en quinze années d’existence, et surtout, qualité rare, jamais lassante.

Rock instrumental, oui, mais impossible d’oublier les superbes moments de poésie récitée, comme on en fait plus, grâce aux interventions de Jull – auteur-interprète, membre de L’Amicale Underground, l’association-label du groupe – notamment sur Ca barde chez les bardes et Se Repulen.

Ce savant mélange des genres surgit aussi dans les multiples références culturelles avec lesquelles RIEN a joué sur chacun de ses albums. Extraits de films, testament du général de Gaulle, pastiche du générique du Mépris de Godard, créant au fil des disques un patchwork de citations assez loufoque.RIEN - Il ne peut y avoir de prédictions sans avenir

Il y a quand même un goût amer à écrire sur RIEN, parce qu’il a été une des plus belles découvertes musicales, parce qu’il y avait une certaine excitation à les voir surgir tous les deux-trois ans avec un nouvel album et une tournée, et que cela ne sera plus.
Cette idée, Vernon, rédacteur chez Gonzaï, l’a superbement exprimée dans son article paru lors de l’extinction du groupe :

« C’est quand même con de commencer par la fin. Je n’ai jamais rien écrit sur RIEN (enfin presque, c’était ailleurs, une autre histoire, avec des corsets et des garde-fous, ça ne compte pas). Je n’ai jamais dit l’immense importance de ce groupe de Français à une époque où les disques s’empilent au rayon médiocrité de peur de saisir sa chance ; je n’ai jamais dit leurs folies, leurs sourires malins au milieu du cinquantième bridge tordu, je n’ai pas aligné les adjectifs érudit, bruyant, inventif, je n’ai pas sorti mon stabylo des grands soirs pour signaler les pas de côté, la poésie assumée des textes, les larsen dans la colonne vertébrale et la batterie qui propulse et caresse, ça dépend. Jamais je n’ai dit les larmes tirées, les solitudes au casque dans la foule et ces vagues en soulèvement, les incendies de sternum, la main cent fois passée sur la joue qui accroche, comme un pincement pour être bien sûr de rêver ; la joie simple d’avoir enfin trouvé des musiciens à admirer pour toujours. »

Au final, il n’est jamais trop tard pour connaître RIEN.

Pour aller plus loin

Le site de l’Amicale Underground, où il est possible d’acheter et télécharger les albums du groupe.
Le facebook de RIEN.
L’article Après 1 il n’y a plus RIEN, de Vernon, chez Gonzaï.