La Nuit du 12, « un monde d’hommes »

La Nuit du 12 - Dominik Moll - Bastien Bouillon - Bouli Lanners - Milieu Hostile

Le nouveau film de Dominik Moll, La Nuit du 12, suit l’enquête d’une brigade de la police judiciaire après le meurtre d’une jeune femme. Un crime qui va poursuivre son enquêteur principal.

Locaux de la police judiciaire de Grenoble, on fête le départ en retraite du chef et son remplacement par Yohan (Bastien Bouillon). Le lendemain, l’équipe, pas au mieux de sa forme après la soirée de la veille, est appelée pour enquêter sur le meurtre d’une jeune femme, Clara, brûlée vive alors qu’elle rentrait chez elle la nuit. Au fil des interrogatoires, si le profil de la victime se précise, une « fille pas compliquée », celui de son meurtrier reste insaisissable et l’enquête va vite devenir pour Yohan, LE meurtre, celui qui le hantera au cours de sa carrière.

Il y a bien sûr le casting, impeccable, avec Bastien Bouillon qui incarne un policier taiseux et lui donne une profondeur et un magnétisme certain, mais aussi Bouli Lanners avec lequel il forme un duo attachant, et des têtes moins connues mais que l’on retient en sortant de la salle : Mouna Soualem, Pauline Serieys, Pierre Lottin… À ceci s’ajoute le scénario écrit par Dominik Moll et Gilles Marchand, librement adapté du livre de Pauline Guéna, 18.3. Une année à la PJ (Denoël), qui a passé une année aux côtés d’une équipe de la PJ.

Mais une des principales qualités de La Nuit du 12 tient à la subtilité de sa réalisation. Jamais le regard qu’impose la caméra n’est voyeuriste ou ne prend le parti du sordide. Alors que le genre du film policier peut facilement s’y prêter et que des scènes sont propres à des effusions pathétiques (annonce du décès à la famille, interrogatoires, découverte du corps), au contraire, Dominik Moll filme juste, sans trop en faire, sans être dans la sensation.

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De la même façon, à rebours du genre qui se veut le plus souvent dans l’urgence et l’adrénaline, il prend le parti de filmer une enquête qui se monte, qui patine, avec ses tâtonnements et son mystère omniprésent. C’est aussi une enquête qui suit son cours, reprise plusieurs années après les faits, sous l’impulsion du tribunal. La Nuit du 12 dépeint ce que représente cette nouvelle plongée dans les faits pour les policiers.

La Nuit du 12 - Dominik Moll - Bastien Bouillon - Pauline Serieys - Bouli Lanners - Milieu Hostile
Pauline Serieys et Bastien Bouillon © Haut et court

Le film nous fait entrer aussi au sein de la brigade, de sa camaraderie et de ses blagues potaches qui servent à décompresser d’un quotidien prenant et difficile, et qui permettent de traverser une nuit passée à taper des rapports. Dans ces scènes entre collègues, l’humour s’invite. Un humour bienvenu, non pas parce que l’ambiance du film serait trop lourde à supporter autrement, mais parce qu’il permet de saisir les personnages et leur humanité, la cohésion et la solidarité qui ont lieu au sein de ce groupe de collègues.

Avec La Nuit du 12, Dominik Moll filme un enquêteur qui doute et qui va être influencé par la parole de femmes dans sa réflexion. Par ce biais, il vient remettre en question la place qu’ont les femmes dans les récits d’enquête. Enfin, après #MeToo et les nouvelles vagues de féminisme, nous sommes face à film policier qui prône un discours non culpabilisant des victimes (et qui les filme sans voyeurisme, rappelons-le, encore une fois), qui interroge la place des hommes et des femmes dans la société, celles qu’ils et elles prennent en tant que victimes, meurtriers, policiers…

La Nuit du 12 accorde une parole et une place à des personnages qui sont loin des archétypes du genre, mais ancrés dans leur époque et justes (par exemple, le personnage de femme policière interprété par Mouna Soualem). Il met en scène des personnages féminins déterminés qui occupent des scènes pivot du film. La preuve que les caractéristiques du genre peuvent se réinventer.

 

Pour aller plus loin

La Nuit du 12 sur le site de Haut et Court
Le livre de Pauline Guéna, 18.3. Une année à la PJ, chez Denoël